Mayline a trois ans. Petite brune courant à travers les plaines verdoyantes d'Alicante, elle n'est qu'une enfant encore inconsciente de la vie qui l'attend. Nous sommes en 1995, et son grand regard clair se pose sur un monde qu'elle ne comprend pas encore tout à fait. « Garde toujours un œil sur ta sœur. » Kylian a neuf ans, et il hoche la tête, la gorge nouée. Si Mayline est encore trop petite pour savoir, lui, n'a que trop conscience de la tragédie qui vient de s'abattre sur sa famille: Cecily Montclaire a été tuée par un démon supérieur, le démon Marbas, dont la piqûre est mortelle lorsqu'elle n'est pas soignée assez rapidement. Et hélas, l'épouse de Michael Carstairs n'est pas rentrée assez vite, prise dans une embuscade de démons avec son groupe, tandis que lui s'occupait de leurs enfants. Il lutte contre la culpabilité, Michael, descendant d'Elias Carstairs, il lutte contre le chagrin qui l'assailli pour ne pas atteindre ses enfants. Malheureusement, c'est leur quotidien, le risque constant, et les chasseurs d'ombres ne sont pas réputés pour leur longue et belle vie. Alors, il devient prévoyant, inculque déjà à son fils la valeur la plus importante qui devra dicter sa vie: « Quoi qu'il m'arrive, prends toujours soin de Mayline. » Le petit garçon jure sur l'Ange, une parole qui n'est jamais faite à la légère par un néphilim, tandis qu'il termine de boucler sa valise. Dans quelques jours, la famille Carstairs quittera Alicante pour rejoindre l'institut de Londres. Commencer une nouvelle vie.

2000. Mayline a 8 ans. Elle habite à Londres depuis cinq ans, connait les couloirs de l’institut dans leurs moindres recoins, et comme souvent, la voilà cachée au grenier, son cahier de runes sur les genoux, et elle dessine avec une précision rare pour un si jeune âge. Elle ne veut rien laisser au hasard, Mayline, et quand sera venu l’heure de lui dessiner ses premières runes sur la peau, elle veut être prête à prendre les armes, montrer qu'elle est aussi forte que sa mère, son père, même son frère aîné. Elle est jalouse de voir Kylian et ses premières runes, Kylian et ses premiers combats. Elle est jalouse et fière en même temps, parce que son grand frère, c’est son héros, et il n’y a personne d’autre qu’elle admire autant que lui et leur père. Mais elle aussi, elle veut devenir une combattante, May, et pour ça, elle travaille d’arrache-pied, donne tout ce qu’elle a dans ses entrailles pour maitriser les premiers arts martiaux à sa portée de main. Encore si jeune, le cœur déjà si lourd, parce que ce qui motive déjà Mayline, ce n’est pas seulement la défense des terrestres, c’est aussi son instinct de protection envers ses proches. Un bruissement sourd la tire de sa rêverie, jusqu’à ce qu’elle entende nettement un « Aie. » qui lui arrache un sourire. La petite fille ferme son cahier, tourne les yeux vers un recoin obscur du grenier. « Tu m’espionne, Lucas ? » Son ton est joueur, quand se dessine dans la lumière de la fenêtre la silhouette d’un petit garçon à peine plus âgé qu’elle. Si Mayline rayonne et s’entend avec tout le monde, elle a des affinités plus particulières, et Lucas en fait partie. Ça n’a jamais étonné leurs pères, qui se sont toujours amusés à dire que les Tanner et les Carstairs ont toujours eu un lien spécial. Parce que Lucas, ce n’est pas un chasseur d’ombres, mais un des rares terrestres à connaître le monde obscur et à y vivre depuis des années. Il y a 150 ans déjà, Thomas et Cyril Tanner, l’ancêtre de Lucas, ont été des amis et valets d’un ancêtre de Mayline, James Carstairs, et de Will Herondale, dans ce même institut. Fiers combattants, habiles sans avoir besoin du sang des anges, les Tanner ont toujours aidé les néphilims de Londres, et aujourd’hui encore, l’amitié perdure. Pour la brune, côtoyer Lucas a été une évidence presque déconcertante. « Quoi ? Non, j’essayais juste de monter ici depuis dix minutes, tu vas trop vite pour moi, May. » Un rire échappe des lèvres de la petite fille, qui attrape la main de son meilleur ami. « Tu me fais rire. Allez bien, on va jouer dehors ! » Elle l’entraîne déjà vers la sortie, tandis qu’il se décompose. « Mais je viens seulement de réussir à arr.. Bon, d’accord. » Il est comme ça, Lucas, toujours à suivre la jeune Carstairs même si elle a toujours été plus rapide que lui. Il s’en fiche, tant qu’elle est là et qu’elle l’attend.

2006. Les deux corps bougent avec une grâce et une dextérité propre à leur race. D’un côté, Mayline, jeune fille de quatorze ans, court et glisse pour récupérer son arc sur le sol, armant une flèche. Sa rune d’agilité apparaît nettement dans son cou, disparaissant sous le col de son débardeur, tout comme d’autres runes apparaissent çà et là sur son corps, apparues progressivement à partir de ses douze ans. De l’autre, un jeune garçon, à peine plus âgé qu’elle, faisant cependant bien une tête de plus, la dévisage avec malice. « Tu ne passeras pas. » Son arc tenu fermement dans sa main, Mayline plisse les yeux, hausse un sourcil. « Cause toujours, tu m’intéresse, Gandalf. » Une lueur sincèrement étonnée s’allume dans les yeux du jeune garçon. « Gand.. Qui ? » Elle roule des yeux devant le manque de culture terrestre de Gabriel. « Laisse tomber, truc que Lucas m’a montré. » Et c’est à son tour à lui de rouler des yeux. Comment se fait-il que les deux meilleurs amis de Mayline soient si différents ? Lucas, c’est sa moitié, mais avec Gabriel… C’est encore différent. Lui aussi, elle le côtoie depuis l’enfance, tous les deux n’ont grandi qu’avec un parent, lui sa mère, elle son père. Son caractère est radicalement opposé à celui du jeune terrestre. Fier, doué dans la plupart des choses qu’il entreprend, Gabriel la fascine, d’une certaine façon. C’est pour ça qu’elle aime autant s’entraîner avec lui. Du moins, entre autres. Elle s’élance, profitant de son désarroi, décoche une flèche, qui atteint sa cible derrière l’adolescent. Elle l’évite, il l’attrape par la taille, elle esquive mais trop tard, la main de Gab attrape les épaules de la brune, la tirant en arrière jusqu’à la plaquer au sol. Son atout, c’est sa vitesse, mais dès que quelqu’un de plus fort qu’elle l’attrape, c’est fini. Le poids du corps de Gabriel pèse contre le sien, et inconsciemment, elle cesse de respirer. « Tu fais moins la maline, t’as perdu. » Sauf qu’elle est occupée, May, elle est si proche du garçon de quinze ans qu’elle voit le détail de ses cheveux châtains, de ses yeux bleus, de ses fossettes quand il sourit, aussi fier. Elle reprend son souffle. « Arrête de te vanter. » - « La dernière fois, tu m’as battu, tout l’institut l’a su pendant une semaine, laisse-moi profiter. » Elle rit, comme trop souvent chaque fois qu’elle se trouve dans une pièce avec lui. Puis le silence, ils se regardent, et c’est Gabriel qui détourne les yeux en premier en se décidant à relâcher doucement les poignets de Mayline, laquelle tente maladroitement de changer de sujet. « Tu vas prendre un parabatai, toi ? » - « Je ne sais pas, pourquoi, tu veux me le proposer ? » Lueur de panique dans les yeux de la jeune fille, qui répond, catégorique : « Non ! » Gabriel se tourne à nouveau vers elle, étonné, et c’est en s’efforçant de cacher ses joues rosies qu’elle se reprend : « Je veux dire, t’es mon meilleur ami Gab, mais on a encore plein de temps pour se décider pour ça, je ne propose pas sur un coup de tête. » Chaque choix doit être minutieusement fait, de nos jours, surtout quand on sait que depuis la disparition de la coupe mortelle, leur race se fait de plus en plus rare. Il ne répond rien, se contente de hausser une épaule tandis qu’il vont ranger leurs armes. « Je .. Vais manger un bout avec Lucas, moi, je te laisse. » Dans un geste furtif, elle vient embrasser la joue de Gabriel, et elle s’éloigne pour aller vers la sortie de l’institut. Ce qu’elle veut surtout, c’est s’éloigner de lui avant qu’il ne pose trop de questions. Parce que si Mayline ne veut pas de Gabriel comme Parabatai, c’est surtout parce qu’on ne peut pas en être amoureux. Et plus elle grandit, la petite Mayline, plus son cœur bat en la présence de son ami.

Décembre 2007, Alicante. La guerre a éclaté sans tellement prévenir. Tout ce que Mayline savait, c'était que Valentin Morgenstern était revenu pour la coupe, détenue par Jocelyn Fairchild jusqu'alors, et il avait réussi à se la procurer jusqu'à être mis en échec par sa propre fille, Clary. Lors de la Guerre Mortelle, en septembre, les plus jeunes - dont Mayline - étaient restés à l'institut, en sécurité, au plus grand désespoir de l'adolescente qui voulait aider son père. Et en décembre, c'est le fils Morgenstern qui a repris le flambeau. Regroupés à Alicante, les adultes se préparaient à lutter, et Mayline était avec les autres enfants et adolescents, dans le hall des accords, en première ligne, prête à défendre les plus jeunes avec son arc. A tâtons, elle vint alors chercher la main de Gabriel à ses côtés, entrelaçant leurs doigts. Un geste qui vaut mille mots, et elle sait qu'il a compris: Elle est terrifiée. Elle qui a hurlé pour aider pendant la Guerre Mortelle, voilà qu'elle sait que derrière ces portes, des faeries et des obscurs cherchent à les atteindre pour les anéantir. Jusqu'au moment où les portes cèdent. Elle n'a pas réfléchi, et la peur est alors passée au second plan à l'instant même où elle a entendu les hurlements terrifiés des enfants. Lâchant la main de son ami, l'adolescente a saisi son arc, son épée séraphique, et s'est élancée vers les opposants pour protéger les plus jeunes. Si elle devait mourir aujourd'hui, ce serait en donnant une chance à l'avenir des enfants de Raziel. Rapidement, le chaos commença à régner, et pour la première fois, la jeune fille enleva une vie. Elle n'a pas tué un démon, mais bel et bien un être dont le corps s'écroulait sur le sol sans se désintégrer pour retourner vers sa dimension d'origine. Lorsqu'elle rencontra le regard vide de ce faerie, le coeur de Mayline s'arrêta, jusqu'à ce qu'une vive douleur la saisisse à l'abdomen. Le temps qu'elle baisse les yeux, une lame ressortait, et elle ne comprenait que trop tard la situation : Un obscur avait profité de son état de choc pour la blesser mortellement. Alors, elle est tombée à genoux, son arc rencontrant le sol dans un bruit sourd. Impuissante, elle sentait son propre sang s'écouler contre le sol, tandis qu'elle distinguait au loin les silhouettes des autres qui luttaient, des corps d'enfants qui jonchaient le sol, et malgré la douleur, elle retint ses larmes, Mayline, relevant juste ses yeux verts vers l'obscur qui s'apprêtait à l'achever. Quand elle ferme les yeux, une larme perle simplement au rebord de ses yeux, mais le coup de grâce ne vint jamais. Elle rouvrit les yeux juste le temps de voir une vampire blonde la soulever. Chef du clan de Londres, elle la reconnut instantanément, et n'eut rien le temps de dire, qu'elle s'évanouit.

2016. Mayline a vingt-quatre ans. Tant de choses sont arrivées en neuf ans. Une paix vacillante s'est instaurée dans le monde obscur depuis que Sebastien Morgenstern a été mis en défaite. Et Mayline s'est découvert un frère. En plus de Kylian, Michael a avoué à la mort de la mère de Gabriel être son père, pour qu'il reste vivre avec eux, ce qui a d'abord plongé l'adolescente dans un état de colère noire. Des semaines durant, elle a blâmé son père, prétextant qu'elle lui en voulait d'avoir trompé leur mère, à elle et Kylian. Mais ce qui lui fait le plus mal, aujourd'hui, c'est que quand elle regarde Gabriel, elle ne voit pas un frère, et si lui semble l'accepter, elle, ça la bouffe, bien qu'elle le garde sous silence. Autre découverte: Un cousin. Si frère Zachariah a toujours été présent dans la vie de Mayline, elle était loin de ce douter que ce frère silencieux différent des autres n'était autre que son ancêtre éloigné, James Carstairs. Voilà maintenant 7 ans qu'il dirige l'institut avec Tessa, sept ans que la jeune femme est devenue une chasseuse d'ombres confirmée. Si elle a trouvé un parabatai ? Non. Car un certain terrestre combat à ses côtés aujourd'hui, et pour elle, c'est Lucas, son parabatai, rituel ou non. Elle vit au jour le jour, la plus jeune des enfants de Michael Carstairs, c'est devenu une belle jeune femme, quoique parfois un peu trop tête brûlée. Mais c'est ce qui la rend terriblement attachante au sein de l'institut.